Dans l’antiquité, un statut aléatoire
Contrairement aux idées reçues, il n’existait pas d’avocat dans la Grèce Antique.
Le code de Solon (591 av J.C) imposait aux justiciables de défendre eux-mêmes leur dossier devant les juges. Néanmoins, la majorité des plaideurs faisaient appel à des logographes, personnes spécialisées dans les textes de lois qui préparaient en clandestinité leurs défenses.
L’ancêtre de l’avocat agissait dans l’ombre, aidant les clients mais ne se montrant jamais.
C’est chez les Romains que la profession d’avocat se profile : Justinien 1er crée « l’Ordre des Avocats » L’édification des règles déontologiques prendra plusieurs siècles et passera notamment par Le travail de l’Ordo (ancêtre du barreau], ordre clérical régenté.
Le trac de Cicéron
Cicéron (Marcus Tullius Cicero, 106 av JC – 43 av JC) fut homme d’état romain et auteur latin, doté d’un art oratoire hors du commun. Ce que l’on sait moins, c’est que d’après des écrits de son contemporain Antoine, Cicéron mourait de peur avant chacune de ses prises de parole en public : en effet, les Romains prenaient plaisir à admirer le talent oratoire d’un brillant avocat, mais en faisaient un spectacle destiné à la haute bourgeoisie, et les orateurs étaient soumis à la critique à chaque passage. Tout son prestige était donc mis en jeu à chaque intervention. Même les meilleurs connaissent le stress.
La profession d’avocat en France
La première trace de la profession d’Avocat date du règne de Charlemagne, dès 802. Mais c’est véritablement au XIIIe siècle que naît la profession : Philippe de Valois créé le Tableau (matricule des Avocats), listant les individus ayant le pouvoir de défendre à la Cour. A cette époque, quiconque portait la main sur un Avocat était passible d’excommunication. Religion et droit étaient donc des valeurs très liées et la limite entre ces 2 pouvoirs n’était pas clairement définie.
En 1344, le statut « d’Avocat » est enfin officialisé par le parlement de Paris. En 1340, on compte 51 avocats.
L’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 pose le principe, qui perdurera jusqu’à la Révolution, selon lequel l’inculpé est privé de défenseur lors de l’instruction et à l’audience. La torture devient la règle, et le statut d’Avocat devient très limité. A la veille de la Révolution, on dénombre à Paris 600 avocats .
La Révolution Française (1789) va bouleverser la situation judiciaire. Le supplice est tout d’abord aboli, et la présence de l’avocat est permise pendant l’instruction (sans qu’il n’ait le droit d’intervenir) ainsi que la plaidoirie.
De la Troisième République à la 2de guerre mondiale
La Troisième République a souvent été surnommée la République des avocats. Ces derniers apparaissent en effet comme des acteurs majeurs de la vie publique : ils sont à l’Élysée, au gouvernement, au parlement. Par ailleurs le barreau règne toujours dans les prétoires, et les grands ténors bénéficient d’une célébrité qui n’a souvent rien à envier à celle de leurs confrères de la scène politique.
Le CAPA est créé en 1941. Mais le gouvernement de Vichy prend d’autres mesures à l’égard du barreau, qui provoquent l’exclusion de plusieurs centaines d’avocats juifs et d’origine étrangère, sans que l’Ordre proteste publiquement. Ces années de guerre, qui voient le barreau divisé et déchiré, sont incontestablement les plus sombres de l’histoire de la profession.
Femmes avocats
Jeanne Chauvin est la première femme à être docteur en droit en France en 1892. En 1897, elle se présente à la Cour d’appel de Paris pour prêter serment en tant qu’avocate. Mais cela lui est refusé car à l’époque la loi n’autorise alors pas les femmes à exercer la profession d’avocat. Elle devra attendre 1890, à la suite de pressions féministes, pour que Raymond Poincaré et René Viviani fassent voter la loi autorisant les femmes à accéder au barreau avec accès à la plaidoirie. En 2017, la bibliothèque de la faculté de droit de l’université Paris-Descartes porte le nom de Jeanne Chauvin.
En 2017, 55 % des avocats et 70 % des élèves avocats sont des femmes. En 2018, une femme est élue pour la première fois à la présidence du Conseil national des barreaux.
L’avocat aujourd’hui
L’avocat contemporain cumule les activités juridique et judiciaire, conseille et défend le particulier comme l’entreprise. L’élargissement de ses compétences et la diversité de ses modes d’exercice incitent certains à parler d’une rupture avec le passé. C’est oublier bien des permanences comme le serment (et la déontologie qu’il implique), la robe, l’administration du barreau par des représentants élus en son sein. Autant d’illustrations de la spécificité d’une profession qui répond, aujourd’hui comme hier, à un défi permanent : s’adapter à la société de son temps sans renoncer à son indépendance, qui est sa raison d’être.
Le « décret passerelle » du 3 avril 2012 a heurté la profession. Il permettait aux députés, sénateurs et anciens ministres de devenir avocats sans formation ni examens spécifiques, sous certaines conditions. Ce décret (« mettant en relation des gens et faisant du lobbying ») a été très critiqué et finalement abrogé le 17 avril 2012.
Documentation et références sur l’histoire des avocats
- Grands avocats : Biographie des grands avocats (Elise Van Beneden, Fabrice Di Vizio, Jérôme Gavaudan, Robin Binsard, Eric Russo, François Molins…). Dossiers sur des affaires pénales, l’actualité juridique ou des textes de lois. Chroniques juridiques sur des affaires d’actualité ou des dernières décennies. Compte Twitter.
- Les femmes dans la profession d’avocat : Article sur le site du Conseil national des barreaux. Les femmes constituent plus de 55 % des effectifs de la profession d’avocat. Etude des revenus comparés entre homme et femme, dates historiques.
- La république des avocats : Article historique du magazine Le Point sur la présence importante des avocats dans la vie politique en France (députés, ministres, présidents de la République), en particulier sous la IIIe République (1870-1940).
- L’histoire du barreau de Paris : Du Moyen Âge à la Révolution, de la Révolution à la IIIe République, de la IIIe République à la seconde guerre mondiale, puis de 1945 à nos jours. L’avocat contemporain doit répondre un défi permanent : s’adapter à la société de son temps sans renoncer à son indépendance, qui est sa raison d’être.
- Histoire des avocats en France, des origines à nos jours (livre paru en 1997, deuxième édition en 2013) : Bernard Sur, docteur en droit, avocat honoraire à la Cour d’appel de Paris, retrace à travers les chapitres une histoire de la profession. Les avocats fondateurs, la structuration de la profession, naissance de l’Ordre et du bâtonnier, l’action politique des avocats, la Révolution française, la puissance de l’Ordre au XIXe siècle et l’évolution de la profession d’avocat au XXe siècle. Présentation du livre par son auteur.
- Histoire des avocats (présentation du dossier) : Dossier thématique en consultation gratuite sur la profession d’avocat à travers l’histoire, depuis Cicéron jusqu’à nos jours. Les 8 articles rédigés en 2016 et 2017 (avec une bibliographie) se trouvent sur cette page. Exemple d’article : La mission d’avocat dans la Rome impériale d’après la correspondance de Pline le Jeune.
- Le juge, l’avocat et le notaire du Moyen Âge à nos jours. La formation, le statut et l’organisation de ces trois professions de la vie juridictionnelle et judiciaire. De nombreux textes de références sont mis en lien dans ce long article détaillé.
- L’avocat dans l’histoire romaine (site Imago Mundi créé par Serge Jodra)
- La Revue Historique (1886) : 4 pages sur l’Histoire des avocats au Parlement de Paris, 1300-1600
- Histoire des avocats au parlement et du barreau de Paris depuis Saint-Louis jusqu’en 1790. Livre en ligne sur le site de la BnF. 564 pages, paru en 1813. Le document est téléchargeable gratuitement et sans inscription en format pdf (100 Mo environ) pour une utilisation non commerciale.
- Bibliographie sur le site Criminocorpus (plateforme francophone de publication scientifique en ligne sur l’histoire de la justice, des crimes et des peines) : plus de 60 références bibliographiques avec » 4-3-4-2 — Avocats. Histoire«
- Histoire des avocats (Marie Houllemare, 2016 paru dans Criminocorpus), téléchargeable gratuitement (5 pages, dont 3 pages réelles) sur researchgate.net
- Études d’histoire de la profession d’avocat (Jean-Louis Gazzaniga, 2004). 344 pages, environ 10 € en version numérique.
- Revue de la Société internationale d’histoire de la profession d’avocat (1988-1997), à consulter aux Archives départementales du Cantal.
Pour observer des avocats et éventuellement discuter avec eux de leur profession, il est facile de se rendre au Tribunal de Paris si vous habitez en région parisienne. Vous pourrez voir ces avocats (célèbres parfois) plaider, et éventuellement discuter avec eux à la cafétéria au rez-de-chaussée du bâtiment. L'accès aux salles d'audience est libre.